Interview

Hériter de biens dégradés : comment les réhabiliter - Action Coeur de Ville

Eric Santini (investisseur) et de Antoine Billaud (aménageur de la ville – Melun) nous font découvrir leur projet de remise en état d’habitabilité ainsi que de remise sur le marché locatif de 7 logements proche du centre-ville afin de les proposer avec des loyers conventionnés.

Action coeur de ville Melun

En bref

Ce bloc de maisons contiguës formant un ensemble architectural homogène a été complètement restructuré. Proche du centre-ville, sa restructuration a créé de nouvelles typologies allant du T1 au T4. Cette opération a permis de remettre sur le marché des logements abordables dans le centre de Melun. Remise en état d’habitabilité de 7 logements (5 T1, 1 T2 et 1 T4) dont les loyers sont conventionnés (niveaux intermédiaire, social et très social).

Action coeur de ville Melun

En chiffres

  • Prix de revient : 624 000 €
  • Coût de travaux : 382 000 € (Financement Action logement (prêt) : 28% du cout des travaux)
  • 7 logements du T1 au T4, conventionnés Anah du très social à l'intermédiaire

Interview

Eric Santini (gérant de la SCI LEMNOS, investisseur) nous partage son expérience avec le dispositif Action Coeur de ville.

Comment est né votre projet ?

A la suite du décès de ma grande cousine germaine, j’ai hérité d’une partie de l’immeuble dont elle avait la propriété avec son frère ; j’ai racheté les parts des autres héritiers afin d’en être le seul propriétaire. En parallèle de cette acquisition, existait depuis mai 2016 un projet de restauration immobilière du centre ancien sur le territoire de la commune de Melun dont l’immeuble faisait partie. La mairie de Melun n’ayant pas fait usage de son droit de préemption, nous avons décidé, avec mon épouse, de créer une SCI qui assurerait la couverture de toutes les opérations de gestion immobilière ainsi que les opérations de rénovation au cas où nous choisissions de procéder à ces ambitieux travaux.

A la suite de la réunion du 06/10/2017 qui s’était déroulée dans les locaux de Communauté d'Agglomération Melun Val de Seine (CAMVS), à Dammarie-les Lys, à destination d’un certain nombre de propriétaires bailleurs, laquelle réunion rassemblait en tant qu’institutions, non seulement la CAMVS, mais aussi l’Anah, « Mon plan Rénov’ Melun Val de Seine » et Action Logement, nous avons été convaincus par les différents intervenants de procéder à la rénovation de l’immeuble. J’ajoute que je passais régulièrement mes vacances scolaires dans l’appartement de ma grande cousine et qu’il me tenait à cœur de ne pas voir disparaître cet édifice.

Comment avez-vous été accompagné dans votre projet ?

L’accompagnement dans la définition du programme de travaux et aide à la décision a été effectué par SOLIHA qui assurait le lien avec l’Anah. Plusieurs réunions ont été organisées, fin 2017 début 2018, dans les locaux de SOLIHA, au Mée-sur-Seine, auxquelles nous participions ainsi que notre architecte afin notamment de prendre en compte toutes les exigences en matière d’installations électriques et de performance énergétique. La SPL Melun Val de Seine Aménagement était régulièrement informée de l’avancement du projet. Le montage des aides a été effectué par SOLIHA compte-tenu des informations que nous lui transmettions régulièrement.

 Le prêt d’Action Logement est venu à point nommé, en janvier 2019, époque à laquelle les travaux supplémentaires commençaient à devenir importants et guère finançables.

En quoi l’intervention et le soutien des différents financeurs (collectivités, Anah, Action Logement) a-t-il été déterminant dans la concrétisation de votre opération ?

Les hypothèses budgétaires initiales couvrant la rénovation de l’immeuble ont été globalement tenues (à 12% près environ) même s’il s’avère, en matière de rénovation immobilière, impossible d’échapper à des travaux supplémentaires tels que non planéité de chapes de sol, murs fissurés au-delà des estimations ou opérations de redressement d’escalier plus délicates que prévues. J’ajoute qu’un des 7 appartements qui devait bénéficier de rénovation légère a été finalement complètement rénové, a l’image des 6 autres. Enfin, un autre appartement a fait l’objet d’un agrandissement (récupération d’un supplément de surface d’un grenier) ce qui a occasionné des frais annexes.

L’aide de l’Anah a été déterminante dans la mesure où celle-ci est versée au fur et à mesure de l’avancement du chantier : sans cette caractéristique, il eût été impossible de tenir les délais envisagés. Le prêt d’Action Logement est venu à point nommé, en janvier 2019, époque à laquelle les travaux supplémentaires commençaient à devenir importants et guère finançables. J’ajoute qu’Action Logement est également en mesure de présenter au bailleur des candidats à la location ce qui peut non seulement accélérer la mise en place des locataires mais également raccourcir les délais de paiement du solde du financement Anah, ce dernier n’étant versé qu’à l’installation définitive des locataires.

Interview

Antoine Billaud (directeur opérations aménagement et habitat, SPLMVSA) revient sur les caractéristiques de ce projet. 

Comment est née l’opération ? Quel est le contexte du projet ?

Avec 39 589 habitants en 2010, la ville préfecture de Seine-et-Marne affiche un poids démographique modeste au regard de son rang administratif. Mais, bien que 3ème commune seine-et-marnaise pour l’importance de sa population (derrière Meaux et Chelles), Melun constitue toutefois la ville-centre de la plus importante intercommunalité de Seine-et-Marne (107 795 habitants sur 14 communes au 1er janvier 2010).

Le centre-ville ne représente, quant à lui, qu’une faible part de la population totale (16,3%) en comparaison des autres grands quartiers, notamment les quartiers nord (Patton, Montaigu Mézereaux, Almont) qui abritent à eux seuls les deux tiers des Melunais. Le centre-ville de Melun connaît depuis un grand nombre d'années une dégradation progressive du cadre bâti d'autant que quatre logements du parc privé sur dix datent d’avant 1948. Dans les quartiers Saint-Aspais, Saint-Etienne et Saint-Ambroise, le parc est encore plus ancien puisque près de 70% des logements datent d'avant 1948. Le parc locatif privé concentre 85% des résidences principales potentiellement indignes de l’hypercentre. La vacance est aussi une réalité qui reflète la situation du centre-ville :

  • 307 logements vacants ont été construits avant 1948 (78,9%),
  • 230 logements vacants le sont depuis plus d’un an (59,1%),
  • 91 logements vacants sont inconfortables au regard du classement cadastral.

Cette dégradation touche aussi bien le parc de logements, anciens et inconfortables, que les cellules commerciales, inadaptées au développement de nouvelles activités.

Le centre-ville se caractérise par :

  • Une croissance démographique contrastant avec le vieillissement de la population, le centre-ville connaissant un fort développement, après une période de désaffection marquée,
  • Un desserrement qui s'accélère, de pair avec une augmentation du nombre de ménages isolés, les personnes seules étant surreprésentées dans les quartiers hypercentraux au contraire des familles monoparentales,
  • Un centre-ville plus prospère que le reste de la ville, contrastant avec une ville préfecture au profil plus modeste que le département.

Caractéristiques du parc de logements :

  • Un parc ancien dégradé, majoritairement de petite taille, concentrant d’importants besoins de mises aux normes,
  • Une vacance importante touchant les petits logements inconfortables,
  • Des besoins relevés en matière de revêtement, de menuiseries et de toitures,
  • Un important parc potentiellement indigne, majoritairement au sein du parc locatif privé. Les situations de sur-occupation y sont nombreuses. Le quartier Saint-Aspais concentre la part la plus importante du parc potentiellement indigne et des risques de saturnisme,
  • Une minorité de propriétaires occupants et un parc locatif privé très développé en centre-ville avec un parc locatif privé « social » de fait.

C'est un programme […] permettant d'attirer des salariés et de rendre le centre-ville plus dynamique

En quoi l'opération répond-elle au projet de requalification portée par la Ville sur le centre-ancien ?

C'est un programme de propriétaire bailleur avec un niveau de loyer bas pour un logement de qualité permettant d'attirer des salariés et de rendre le centre-ville plus dynamique. Au final, ce seront 7 logements (5 T1, 1 T2 et 1 T4) qui seront remis en état d'habitabilité avec des loyers conventionnés du très social à l'intermédiaire.